L’Amicale Jean-Baptiste Salis est connue à travers le monde pour l’organisation du meeting aérien Le Temps des Hélices, mais connaissez-vous vraiment l’AJBS ? Pour en savoir plus, nous avons rencontré Jean Briez, vice-président de l’Amicale.
Bonjour Jean, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Jean Briez, et j’ai intégré l’Amicale Jean-Baptiste Salis en 2000, cela fait donc 24 ans ! Au sein de l’Amicale, j’occupe aujourd’hui le poste de vice-président, qui consiste notamment à épauler le président dans les prises de décisions, cela peut aller du choix des options de catering jusqu’à la validation du départ en meeting d’un appareil.
Peux-tu nous raconter les origines de l’AJBS ?
L’Amicale Jean-Baptiste Salis a été créée au début des années 1970 par…Jean Salis. Son père, Jean-Baptiste avait acheté le terrain que nous connaissons tous comme la Ferté Alais entre les deux guerres pour en faire, à l’origine, un terrain de vol à voile. Il s’est rapidement rendu compte que de nombreux vieux avions étaient stockés sur divers terrains et dans des hangars, et encore plus après la Seconde Guerre mondiale. Le terrain de vol à voile est ainsi devenu terrain d’aviation.
Jean-Baptiste Salis avait dès le départ l’ambition de maintenir en état de vol le plus d’avions possible, il a donc commencé à les collectionner et à les restaurer. Son fils Jean, décédé l’an dernier, repris ensuite le flambeau. Restaurer mais pas que, il a également, sur la base des liasses de plans d’origine, commencé à reconstruire à l’identique certaines machines, comme le Caudron GIII, symbole de l’AJBS, ainsi qu’un Blériot XI. Et quand on dit « reconstruire à l’identique », ce n’est pas uniquement dans le respect des plans, mais également dans le respect des matériaux de l’époque.
Jean Salis a également compris que le cinéma avait un rôle à jouer et il a commencé à fournir des machines pour celui-ci. On peut notamment citer le tournage de « Les Faucheurs de Marguerites », mais nos avions ont joué dans énormément d’autres films. Et pour permettre à l’AJBS de s’en sortir financièrement est ensuite venue l’idée d’organiser un grand meeting aérien : Le Temps des Hélices était né.
On parlera du meeting plus en détail par la suite, mais pourrais-tu nous parler des bénévoles ? Combien êtes-vous pour faire vivre l’Amicale au jour le jour ?
Nous sommes environ 300 bénévoles, et il y a également une personne salariée à l’Amicale Jean-Baptiste Salis, notre secrétaire, qui pilote tout ce qui est relatif à l’administratif et qui nous est donc indispensable.
Ce qui est fantastique avec nos bénévoles, c’est la diversité : nous avons des pilotes de ligne comme militaires, un chirurgien-dentiste, un facteur… Au sein de l’Amicale, il n’y a pas de question de classes sociales ; tous sont animés par la même passion : l’aviation. Ce qu’il faut ensuite savoir, c’est que les missions des bénévoles sont très variées : nous avons par exemple quelqu’un, d’ailleurs c’est le facteur que je viens d’évoquer, qui s’occupe notamment de tout ce qui est référencement et classement des journaux consacrés à l’aviation. Pendant le meeting, il va également s’occuper de tout ce qui est support publicitaire, affiches, banderoles… Et ce n’est qu’une parmi toutes les tâches indispensables à notre fonctionnement.
Nous avons aussi des bénévoles qui habitent loin et qui ne peuvent pas venir régulièrement. En général, ceux-ci viennent essentiellement pendant la période du meeting pour nous aider sur des tâches spécifiques, comme par exemple l’avitaillement et la gestion de l’essence ou l’installation des barrières.
Évidemment, nous avons des mécaniciens avion parmi les bénévoles. D’ailleurs, et je tiens à le souligner, nous avons quatre femmes mécaniciennes au sein de l’AJBS, nous en sommes très fiers car la diversité de classe est importante, mais la parité l’est tout autant. Et donc, nos mécaniciens sont en général responsables de la bonne tenue mécanique d’une machine. Ils vont également se faire entourer, au besoin, par d’autres mécaniciens, mais nous avons toujours une personne qui est responsable du fait qu’un avion soit toujours prêt à décoller, dans la mesure du possible et du raisonnable évidemment.
Enfin, nous avons bien sûr des pilotes. Cependant, nous avons des critères de sélection assez rigoureux avant de permettre à un pilote de voler sur l’une de nos machines. Nous leur demandons notamment d’avoir un minimum de 200 heures de vol, mais nous avons également tout un processus de certification avant de les laisser piloter un avion.
Tout le monde peut-il devenir bénévole ?
Jusqu’en 2018, il était assez compliqué de devenir bénévole. En effet, il fallait être parrainé par au moins deux membres actifs. Autant dire qu’à moins de côtoyer ces membres dans la vie privée ou d’être présent tous les week-ends sur le terrain, c’était vraiment très compliqué. Mais en 2018, nous avons fait évoluer nos statuts, et désormais tout le monde peut candidater. Il faut pour cela être âgé de 18 ans (ou 16 ans avec une autorisation parentale) et soutenir sa candidature via une lettre de motivation. Ensuite, si le bénévole est accepté, il n’a plus qu’à payer sa cotisation et à venir nous aider ! Au bout d’un an, les nouveaux bénévoles peuvent devenir membres actifs à condition qu’ils aient démontré leur motivation et leur apport à l’Amicale. Deux membres actifs doit également soutenir leur démarche.
Peux-tu nous en dire plus sur la philosophie de l’Amicale Jean-Baptiste Salis ?
Notre raison d’être est simple : nous sommes ici pour faire voler des avions qui, sinon, prendraient la poussière dans un hangar voire, pire, seraient détruits. Nous ne sommes pas ici pour faire du business ou faire de l’argent pour l’argent ; notre motivation, c’est de préserver le patrimoine le patrimoine aéronautique national via notre passion.
D’ailleurs, nous avons conscience qu’il est indispensable que nous travaillions pour la transmission du savoir. L’évolution de nos statuts nous aide à atteindre cet objectif, avec désormais 15 % de bénévoles de moins de 30 ans, contre seulement 4 % en 2017. Ce n’est pas assez, bien sûr, mais nous allons dans la bonne direction. En effet, la jeunesse est indispensable, nous devons transmettre le savoir-faire.
Et quels sont les principaux défis pour l’AJBS ?
Cela peut paraître très terre à terre, mais le premier défi est malheureusement d’avoir des moyens financiers. Pour payer les loyers, les entretiens, l’essence, les pièces détachées… il est indispensable de générer des revenus. Évidemment, on pourrait vendre des avions, mais cela va à l’encontre de notre objectif, qui est d’en acquérir de nouveaux pour leur permettre de voler à nouveau !
Le deuxième défi est de préserver le savoir-faire, comme nous l’avons évoqué précédemment avec la formation des jeunes, et également d’en recruter de nouveaux. En effet, sur les avions les plus anciens, ceux qui datent d’avant les années 50, il faut des compétences qui sont difficiles à trouver. De plus, il faut parvenir à trouver des pièces, voire les faire usiner lorsque celles-ci ne sont plus disponibles. Cela peut parfois devenir extrêmement complexe.
As-tu une machine préférée ?
Choisir une machine favorite est vraiment difficile, mais si je devais en citer une, ce serait notre Caudron Luciole. C’est particulièrement spécial parce que cette machine est du même type que celle sur laquelle mon père volait entre les deux guerres, un Caudron Luciole avec un moteur Renault, et en plus, il porte les mêmes couleurs que celui que pilotait mon père… mais c’est vraiment parce qu’il faut en choisir une !
Parlons maintenant du meeting. Est-ce facile d’organiser un événement comme le Temps des Hélices ?
Depuis les attentats de Paris, il est vraiment très difficile d’organiser un grand événement public en France. Les conditions de sécurité imposées pourraient dissuader bon nombre d’organisateurs. Dans notre cas, nous souffrons également du fait que nous sommes l’un des seuls (peut-être avec le meeting du Bourget) à être sous le joug du plan Vigipirate. Par ailleurs, nous devons payer sur nos fonds propres le SAMU, les pompiers, la Croix-Rouge… Alors que d’autres meetings ne sont pas soumis aux mêmes règles.
Comme je l’ai mentionné précédemment, le meeting est indispensable à l’AJBS pour générer des revenus qui seront ensuite utilisés pour l’entretien, la rénovation et le maintien en état de vol de nos avions. Autant dire que lorsque le meeting ne rencontre pas le succès escompté en termes de visiteurs, nous savons que l’année à venir sera très difficile pour nous.
D’ailleurs, cela me fait penser à un e-mail que j’ai reçu d’une personne qui affirmait que nos billets d’entrée ne devraient pas coûter plus de 5€. Cet e-mail a été difficile à encaisser : quand on connaît le coût de l’organisation d’un meeting aérien, les frais pour faire venir des machines de loin, par exemple des avions historiques depuis l’Angleterre, quand on sait que le carburant aéro coûte plus de 3€ le litre, comment peut-on penser qu’une entrée à 35€ est trop chère (gratuite pour les moins de 12 ans, 15€ pour les 12-16 ans) ? Aujourd’hui, une place de cinéma coûte entre 9 et 12€ pour un film qui dure en moyenne 1h30… de notre côté, nous proposons un spectacle de 6 heures pour 35€, nous sommes donc moins cher en proportion ! Et je ne fais même pas de comparaison avec une entrée à Disneyland…
Tu as mentionné des machines venant d’Angleterre, notamment un Catalina ainsi qu’un Lysander (ce dernier étant extrêmement rare). Pourrais-tu nous raconter comment est construit le programme ainsi que les séquences ?
Pour élaborer le programme, le défi consiste à trouver de nouvelles machines, des avions originaux. Car évidemment, tous les ans, il n’y a pas de nouveaux avions qui volent. Donc, tout d’abord, nous cherchons à nous renouveler pour que les visiteurs découvrent de nouvelles choses.
Ensuite, c’est notre Directeur des vols qui travaille sur les séquences. Il prend en compte les différentes machines, leurs performances, ainsi que les capacités des pilotes, puis propose aux propriétaires des avions différentes patrouilles. Par la suite, il coordonne l’ensemble de ces séquences pour créer le spectacle aérien dans sa totalité.
Pour terminer, permettez-moi de vous parler des projets passionnants que l’Amicale Jean-Baptiste Salis envisage pour l’avenir.
Tout d’abord, nous avons notre Dragon Rapide, qui est en entretien depuis trois ans maintenant. Nous espérons qu’il pourra voler à nouveau pour le meeting de 2025. Ensuite, nous avons un Stampe qui est en attente depuis près de 10 ans, en raison de diverses raisons techniques et financières. Nous prévoyons de le remettre en état cette année et, idéalement, de le voir voler pour la première fois l’an prochain. Enfin, notre Skyraider est en révision depuis plus d’un an, et nous avons prévu de le remettre en vol dès que possible.
Nous tenons à remercier chaleureusement Jean Briez pour son temps et la qualité de nos échanges, ainsi que Henri Suzeau pour sa coordination. Un grand merci également à Cassandra pour son soutien dans l’élaboration de cet article.
Pour soutenir l’AJBS et assister au Temps des Hélices, n’hésitez pas à acheter vos places en cliquant ici. Vous pouvez également découvrir l’AJBS sur les réseaux sociaux : Facebook et Instagram.