Airpassion, à l’invitation du Service Presse et Média de l’OTAN, a pu se rendre en Lituanie à la rencontre des détachements espagnols et hongrois qui interviennent dans le cadre de la mission de police de l’air « Baltic Air Policing »
Baltic Air Policing
Une des missions de l’OTAN est de garantir la protection de l’espace aérien de ses membres. Pour les pays ne possédant pas les capacités aériennes d’assurer leur propre police de l’air, des accords existent pour que des membres de l’alliance, sous couvert de l’OTAN, assurent cette mission.
C’est dans ce cadre que Baltic Air Policing prend sa mesure. Lorsque les 3 pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) intègrent l’OTAN en 2004, l’OTAN met en place la mission Baltic Air Policing pour assurer cette mission de police de l’air. C’est sur la base lituanienne de Šiauliai que sont déployés les premiers détachements. Ce sont les belges qui inaugurent la mission en avril 2004. En 2014, à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, une deuxième base accueille les détachements de membres de l’Alliance. Cette deuxième base est située à Ämari en Estonie.

Depuis maintenant plus de 20 ans, plus de 120 détachements de forces aériennes européennes et américaines se sont succédés sur ces deux bases. Certains détachements ont aussi utilisé la base de Malbork en Pologne. Au total, seize pays ont participé à cette mission de surveillance aérienne : l’Allemagne, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Hongrie, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Turquie.
A la rencontre du détachement espagnol
Notre visite commence par la visite du détachement espagnol. L’Espagne est un des plus gros contributeurs de détachements dans le cadre de cette mission. C’est en effet la douzième fois que des pilotes espagnols rejoignent les cieux baltes pour en assurer la mission. C’est aujourd’hui l’escadrille 11 de l’Ejército del Aire y del Espacio (Armée de l’air et de l’espace) qui est déployée. Elle se retrouve bien loin des cieux sévillans. En effet, elle est habituellement basée sur la base aérienne de Morón, dans le sud de l’Espagne.


Le détachement est arrivé en août et repartira début décembre. 4 mois c’est la durée de chaque détachement. Au total, ce sont 8 Eurofighter Typhoon et près de 200 personnes qui composent le détachement. Tous les spécialités nécessaires au bon fonctionnement de la mission sont présents. Depuis les pilotes, les mécaniciens mais aussi une équipe médicale et jusqu’à la Police Militaire pour assurer la sécurité.
Des équipes expérimentées
Les pilotes détachés pour cette mission sont tous des pilotes confirmés. Un des pilotes nous confie ainsi avoir plus de 2.000 de vol sur Eurofighter Typhoon. Leur vol de convoyage a duré près de 4 heures et a nécessité un ravitaillement en vol au-dessus de l’Allemagne. En effet, l’autonomie en vol du Typhon approche les deux heures. Bien entendu, c’est fort variable en fonction de la configuration, de la mission et du plan vol.


De nombreuses opportunités
Nous sommes accueillis par le Lieutenant-Colonel (OF-4) Francisco Holgado Del Águila, Commandant du détachement espagnol. Il nous explique, qu’au delà de la mission de police aérienne, ce détachement permet de maintenir et d’augmenter leurs capacités opérationnelles dans le cadre de mission d’entraînement. En effet, l’environnement aérien et les conditions météo obligent à appréhender différentes configurations de mission.
Le Lieutenant-Colonel (OF-4) Francisco Holgado Del Águila est bien sûr interrogé sur l’impact des drones et les façons d’y répondre. Cela fait écho à l’annonce le mercredi 15 octobre du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, qui a annoncé une nouvelle initiative pour contrer les drones, lors d’une réunion des ministres de la défense. La guerre « hybride » fait désormais partie du paysage.
La Russie si proche, mais pas que…
La proximité de l’enclave russe de Kaliningrad est aussi dans tous les esprits. Mais la mission de police de l’air n’est pas uniquement centrée sur les incursions russes. Elle consiste aussi à prendre l’air en cas de problème sur un avion, que ce soit un avion de tourisme ou un avion de ligne. Cependant, il est vrai que la plupart des décollages sont liés à des avions russes se dirigeant ou quittant l’enclave russe. Transpondeur non allumé, plan de vol manquant ou non respect peuvent déclencher une alerte et la départ en QRA (Quick Reaction Alert).
La base de Šiauliai est sous le contrôle du COAC (Combined Air Operations Centre) basé à Uedem en Allemagne. Il existe un deuxième COAC basé à Torrejón en Espagne. C’est le COAC qui décide de déclencher l’alerte et le décollage des avions.
SCRAMBLE !
L’occasion nous est offerte d’assister à un entraînement de départ en alerte. Le fameux « Scramble » où, partout dans le monde, les pilotes se précipitent en courant vers leurs avions pour décoller en urgence. Ici le challenge est de faire décoller deux avions en moins de quinze minutes à partir du déclenchement de l’alerte. Les avions partent en effet toujours par deux pour assurer cette mission.
La sirène retentit
Nous sommes en place. La sirène d’alarme retentit. aussitôt deux pilotes sortent immédiatement des baraquements. Ils sont suivis de près des techniciens. Ici pas de course précipitée vers les abris au vu du poids des équipements. Une voiturette les attend et les amène au pied de l’avion au plus vite.





Un ballet bien rodé
Au pied de l’avion, un membre de l’équipe vérifie la tenue du pilote. Puis le pilote grimpe à l’échelle. A peine dans le cockpit, celle-ci est retirée. Les moteurs sont lancés. Les membres de l’équipage s’affairent autour de l’avion. Chaque spécialité est identifiée par une chasuble de couleur différente. Pour un œil extérieur, ce qui frappe, c’est qu’on ne ressent aucune fébrilité ni aucune précipitation. C’est un ballet bien rodé où chacun joue sa partition.




Le tempo est respecté!
Les cales sont retirées. Le pistard dirige l’avion hors de l’abri. L’avion s’avance, prend le taxiway puis s’aligne sur la piste.





les deux moteurs sont poussés à fond. L’avion s’élance et prend la vitesse. La poussée des moteurs chassent l’eau de la piste. Et l’avion est en vol. Le pari est tenu ! En moins de quinze minutes, les deux avions ont rejoint le ciel de Lituanie pour assurer leur mission.





Chez les Pumas
Nous quittons le détachement espagnol pour rejoindre le détachement hongrois. A ce sujet, interrogé sur la coopération entre les deux détachements, un pilote espagnol nous déclare que la coopération est bonne et même selon ses termes « above the average » !

Dans le hangar trône un JAS 39 Gripen C. Cet avion est un monoplace d’origine suédoise produit par SAAB. La Hongrie possède actuellement 11 monoplaces et 1 biplace. Ces avions sont en location jusqu’en 2026, date à laquelle la Hongrie en deviendra propriétaire.



La taille du détachement hongrois est plus modeste puisque il comprend 80 personnes. En envoyant 4 avions sur place, c’est 30% de la force aérienne hongroise (Magyar Légierő) qui est aujourd’hui présente en Lituanie. Cela représente un véritable effort pour ce pays.
Arrivé sur place, nous rejoignons le Lieutenant-Colonel Péter TŐSÉR qui est le commandant du détachement hongrois. Il a été des 4 détachements hongrois pour la mission Baltic Air Policing. Nous en profitons pour l’interroger sur l’évolution des missions dans le temps. A sa vision, le nombre et le niveau de menace n’a pas augmenté de façon notable. Depuis leur arrivée, les hongrois ont décollé en QRA seulement 17 fois sans observer des comportements plus agressifs des pilotes russes à ces occasions.



En tenue
Puisque nous avons le temps, un pilote nous présente l’équipement des pilotes avec les combinaisons de vol, le pantalon anti-G et le casque de pilote équipé de jumelles de vision nocturne. Apparemment, la combinaison de vol utilisée pour les vols au-dessus de la mer, avec ses protections contre l’hypothermie ne fait pas le bonheur des pilotes car difficile à enfiler et peu confortable. La traditionnelle combinaison de vol, plus légère a leur préférence.


Un peu de contexte
Il est temps de prendre congé. Nous rejoignons alors la tour de contrôle où nous aurons le plaisir d’avoir le Major General Frank Gräfe, chef d’état-major (opérations) du Commandement aérien de l’OTAN (AIRCOM) en visio depuis le Quartier Général situé à Ramstein.
Pour introduire son propos, il nous rappelle que depuis 60 ans l’OTAN assure 24/24 et 7/7 une protection de l’espace aérien des membres de l’Alliance. En 2004, c’est l’intégration des 3 pays baltes qui vient étendre son périmètre. En 2006, c’est au tour de l’Islande d’en bénéficier. Son champ d’action s’étend désormais de la Turquie à la Norvège aux USA en passant par l’Islande. C’est d’ailleurs pour cette raison, dans le cadre des politiques régionales de défense, qu’un troisième CAOC a été inauguré à Bodø en Norvège en ce début d’octobre 2025.
Une mission en perpétuelle évolution
Tout au long de son existence, l’OTAN a fait évoluer ses capacités et l’appréhension de sa mission de protection de l’espace aérien. 2001 a, douloureusement, rappelé que les avions de ligne pouvaient constituer une menace. Prendre en compte ces évolutions est le propre du commandement de l’OTAN.
Dernière menace prise en compte, les drones font désormais partie du paysage. le Major General Frank Gräfe prend comme exemple de coopération au sein de l’Alliance ce qui s’est passé dans la nuit du 9 au 10 septembre dernier au dessus de la Pologne où les F-35 néerlandais ont été engagés contre des drones.
La journée se termine sur cet échange fort intéressant qui précise bien le cadre de ces missions et la collaboration des 32 pays composant l’OTAN pour assurer la sécurité des cieux.
Post Scriptum : la Colline des Croix
Ce voyage fut l’occasion de visiter la Colline des Croix. Ce site se situe à une dizaine de kilomètre de la ville de Šiauliai. Ici et depuis le 14ème siécle, les Lituaniens viennent déposer des croix. Tout au long de son histoire mouvementée, la Lituanie a entretenu ce site. Aujourd’hui, ce sont des milliers de croix qui se dressent au sommet de la colinne. Même si les autorités soviétiques rasèrent trois fois le site au bulldozer, de nouvelles croix se dressèrent à nouveau.
Ce site, visité par le pape François en 2018, est le symbole de la résistance pacifique, de la résilience et de l’attachement que le peuple lituanien voue à sa culture et à son identité. Il est aussi possible, en ayant l’oeil, de trouver des croix déposées par les détachements de quelques pays à l’occasion de leur passage en Lituanie. Comme une preuve du lien qui les unit.






Nous adressons nos plus vifs remerciements au service Presse et média de l’OTAN pour le soin porté à l’organisation de ce voyage.