CHAMPION(S) DU MONDE ! L’EVAA EN HAUT DU PODIUM

Si comme nous, vous êtes passionnés d’aviation, vous n’avez sans doute pas manqué cette information : lors des derniers 31 st FAI World Aerobatic Championship, ou Championnat du Monde d’Acrobatie en français, qui se sont déroulés en Pologne, ce n’est pas un, ni deux, mais bien trois français qui se sont installés sur les trois plus hautes marches du podium. Et car notre Armée de l’Air et de l’Espace ne fait pas les choses à moitié, ce sont tout simplement deux pilotes de l’Equipe de Voltige de l’Armée de l’Air et de l’Espace qui se sont positionnés aux deux premières places du classement général.

Nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec le capitaine Florent Oddon et avec le capitaine Alexandre Orlowski, respectivement Champion du monde  » Unlimited » et et Champion du monde de voltige « freestyle » (excusez du peu !).

Avant de retranscrire nos échanges, rapide présentation de nos champions : le capitaine Florent « Flo » Oddon est entré dans l’Armée de l’Air et de l’Espace en 2009. Après un début de carrière dans la branche transport, pendant laquelle il a piloté des Casa, il intègre l’EVAA en 2017. De 2017 à 2022, il devient notamment Champion de France « Excellence » et Champion de France « Freestyle ». Le capitaine Alexandre « Popov » Orlowski, après être entré dans l’armée en 2001 et avoir commencé sa carrière sur Mirage 2000-5 au sein des Cigognes puis sur Alphajet au sein du 2/2 Côte-d’Or, rejoint l’EVAA en 2011. Depuis, c’est bien simple, il a tout gagné : Champion de France, Champion du monde en individuel et par équipe (3 fois !), Champion d’Europe en individuel et par équipe… il fait tout simplement partie des sportifs de haut niveau français les plus titrés.

Alors forcément, quand on se retrouve en face de ces deux champions, on se sent tout petit…

Capitaine Oddon, la première question qu’on a évidemment envie de vous poser c’est : « ça fait quoi d’être champion du monde »?

Alors, en fait, j’ai encore du mal à réaliser ! Ça fait maintenant 5 ans que je m’entraîne avec cet objectif : Champion du monde, clairement, c’est notre Graal ! Et c’est encore tout frais, c’est tombé la semaine dernière, je crois que je ne me rends pas encore bien compte que tout ce travail a fini par payer !

Et de votre côté Capitaine Orlowski, quel sentiment vous inspire ce nouveau titre ?

Alors en fait c’était un peu la surprise ! Quand on vient sur un championnat on est surtout concentré sur la compétition Aresti (du nom de l’inventeur du catalogue moderne de l’acrobatie aérienne, Jese Louis de Aresti Aguirre). Le freestyle, c’est quelque chose qu’on fait relativement souvent, typiquement sur les meetings on est dans cette démarche là, mais les dernières années ont été tellement marquées par la patte de Rob Holland (pilote américain et grand champion de voltige) qu’on avait pris l’habitude de se demander qui allait finir second derrière lui ! Du coup j’ai pu prendre le temps de bien analyser les conditions particulières du vol, notamment le vent, et j’y suis allé sans me mettre plus de pression que nécessaire. Et le titre, clairement ça fait plaisir ! Ca complète un peu les cases qu’il me reste à cocher, sachant que je suis plus près de la fin de ma carrière militaire que du début…

L’EVAA, c’est la seule équipe militaire de voltige (l’ensemble des autres teams sont privées), est-ce que sur ce genre de compétition, ça change quelque chose ?

Réponse commune : oui, forcément ça change des choses : des bonnes, mais aussi des mauvaises, toute médaille a son revers ! La bonne, c’est la structure qui nous entoure et nous permet de nous préparer, de nous entrainer. C’est une chance, car pour quelqu’un qui est prêt à s’investir, ça paie. Pour autant, on se rend compte avec les années que le clivage civil / militaire tend à se réduire. Il y a notamment des équipes comme la Team BlackWorf qui bénéficient de conditions proches des nôtres, avec entre autre des stages préparés et conduits par le même entraîneur que nous. Et c’est là d’ailleurs qu’on arrive au côté moins positif, c’est que nous, on ne fait pas que de la compétition, on fait aussi de la représentation, et on en fait beaucoup. Ça nous impose de devoir être capable de gérer les deux. Voler beaucoup, c’est bien, mais voler trop, ça peut rapidement devenir contre productif : on fatigue, on sature, et du coup on se retrouve en compétition sans être dans les bonnes dispositions. On a aussi des missions de gestion au sein de l’équipe, qui nous prennent du temps et qu’il faut être capable de gérer en parallèle. Il y a des gens à l’extérieur qui disent « pour les militaires c’est facile ! », mais non ! Si c’était si facile, on gagnerait tous les ans !

Alors finalement, qu’est ce qui fait la différence ?

Capitaine Orlowski : ce qui va faire la différence, c’est la motivation du pilote. On a des moyens qui sont mis à notre disposition, mais les moyens ça ne fait pas tout. Il faut se lever tôt, se faire mal dans l’avion, faire énormément de sport, d’introspection, se remettre en question… quand ça ne marche pas, il faut être capable de se dire : « c’est pas la faute de l’avion, c’est à moi de progresser ».

Capitaine Oddon : tout est dit !

On a également pu constater pendant ces championnats un véritable trust des premières places par des Français (10 Français sur les 20 premiers), est-ce que ça veut dire qu’il y a une recette française ?

Capitaine Oddon : Alors là on revient un peu à cette histoire de « est-ce que c’est mieux d’être militaire pour faire de la voltige » en transformant la question : « est-ce que c’est mieux d’être en France pour faire de la voltige » ? Et clairement, la réponse est oui. On a la chance d’avoir une fédération, la Fédération Française Aéronautique (FFA) qui soutient à fond le sport aérien et encore plus la voltige, et qui du coup donne les moyens à l’équipe de France de progresser. Ca passe par exemple par des stages collectifs avec des encadrants de grande qualité. On peut citer entre autres Patrick Paris, l’entraîneur, ancien champion du monde, Jérôme Houdier, conseiller technique national qui fait en sorte qu’on puisse toujours voler en stage dans les meilleures conditions possibles et qui est vraiment aux petits soins pour nous. C’est grâce à tout cet ensemble que l’équipe de France est aussi forte, et ce n’est pas forcément le cas dans d’autres pays.

Capitaine Orlowski : Dans beaucoup de pays, vous allez faire de la voltige car vous vous êtes acheté un avion de voltige. Et dans ces pays, il y a sans doute beaucoup d’excellents voltigeurs qui n’auront jamais accès à la compétition car ils n’en auront malheureusement pas les moyens. Aujourd’hui, en France, un jeune pilote, s’il fait ses preuves et arrive en équipe, bénéficiera d’une émulation, d’un partage de savoir-faire, qui sont des chances fantastiques. Certaines autres équipes nationales, ce ne sont finalement des personnes qui vont se réunir uniquement pour quelques entraînements et pour la compétition, et ne travailleront pas du tout ensemble le reste du temps.

On a parlé de la compétition et de la représentation, vous préférez l’une des deux ?

Capitaine Oddon : [sourire] Si on ne veut pas se faire trop de nœuds à l’estomac, on ira faire du meeting ! En meeting les gens sont toujours admiratifs de la prestation qu’on donne. En compétition on se retrouve confronté au classement, au jugement, et mine de rien, l’étiquette de pilote militaire rajoute une pression. En tant que professionnel de la discipline on peut être en attente d’un certain résultat et le spectre de la contre-performance peut rajouter un certain stress !

Capitaine Orlowski : ça fait partie du revers de la médaille qu’on évoquait tout à l’heure… Ce qui est génial avec le meeting, c’est que c’est du partage, de l’ouverture. Et puis finalement, pour beaucoup d’aviateurs de l’armée, c’est comme ça qu’on est rentré dedans. On a découvert le métier dans les meetings, en regardant les avions voler. Mais ce qui est bien dans la compétition, c’est que ça permet de rabaisser les égos et de nous remettre à notre place. Ce n’est pas parce qu’on gagne une année qu’on va facilement gagner l’année d’après, le niveau progresse régulièrement, il faut travailler pour rester parmi les meilleurs. Et au final, si on ne faisait que de la compétition à l’EVAA, ça deviendrait un peu lourd et idem, si on ne faisait que du meeting, je pense qu’il nous manquerait ce petit piment qui équilibre le tout.

Et alors maintenant, c’est quoi vos objectifs ?

Capitaine Oddon : alors « Popov » il a tout gagné, du coup il ne lui reste plus grand chose à viser [rire] ! Moi il m’en reste pas mal, déjà le titre de Champion d’Europe, qui est remis en jeu l’année prochaine. Après forcément j’espère gagner encore !

Capitaine Orlowski : je vais déjà voir comment je fais évoluer ma carrière et ma reconversion, mais la voltige gardera une place dans ma vie, c’est une passion et un plaisir que je souhaite transmettre, pourquoi pas continuer la compétition, on verra !

Et la question rituelle de nos interviews : pain au chocolat ou chocolatine ?

En cœur : pain au chocolat !

Vous pouvez les retrouver sur les réseaux sociaux : Instagram, Facebook, LinkedIn, Twitter et Youtube, mais également sur le site internet du Ministère des armées.

Merci aux capitaines Oddon et Orlowski pour leur temps, leur bonne humeur (et leur humilité). Merci à la capitaine Stéphanie et la lieutenant Laura qui ont rendu possible cette rencontre.

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